Ce dimanche 11 mars 2012 résonne comme une bien triste date dans l’histoire de la construction européenne : le Président de la République française, à la fois candidat et premier personnage de l’Etat, déclare qu’il pourrait « suspendre la participation de la France aux accords de Schengen ». Cette déclaration, en plus d’être irréaliste, est dangereuse. La France sortirait tout simplement de la principale avancée de l’Union Européenne : la libre circulation des personnes. Voilà soixante ans de travail commun pour la construction européenne sacrifiés en quelques minutes sur l’autel de la stratégie politicienne et de la chasse aux votes d’extrême droite.
Nous, élus de la Moselle, terre natale de Robert Schuman, père de l’Europe, nous insurgeons contre une telle déclaration : la fermeture des frontières, même brandie telle une menace ou pire comme une sanction, est une aberration pour notre département qui compte plus de 65 000 travailleurs frontaliers. Monsieur Sarkozy n’a semble-t-il pas été informé par sa députée, madame Grommerch, (1) que plus de 110 000 Lorrains passent chaque jour la frontière pour se rendre à leur travail. Et plus grave encore, si la France fermait ses frontières, quelle entreprise luxembourgeoise, belge ou allemande souhaiterait encore recruter des Français ? Quelle solution d’avenir l’UMP préconise-t-elle pour ces travailleurs
On voit bien là toute la difficulté des élus locaux UMP et apparentés : comment la majorité départementale, qui travaille depuis longtemps à développer les relations transfrontalières, avec l’Allemagne et le Grand Duché du Luxembourg, pourra-t-elle concilier soutien inconditionnel à Nicolas Sarkozy et réalité du terrain ? (2)
L’Europe n’est pas une menace ou un épouvantail dont on peut se servir pour faire peur aux électeurs. Au contraire, construire une Europe plus juste et plus forte, voilà le vrai courage politique. L’Europe ne devrait pas souffrir le populisme. Et à force d’aller à Berlin en avion, Monsieur Sarkozy a peut-être oublié ce qu’était la réalité d’une frontière.(3)
Philippe Tarillon,
Président du groupe Socialiste & Républicain du Conseil générale de la Moselle,
(1) Et on mesure bien que son autre soutien local Céleste Lett non seulement n’est pas écouté à Paris , mais en plus se désintéresse du sort des travailleurs frontaliers
(2) Il faut aussi rappeler que le problème de l’imposition éhontée des retraites des frontaliers n’est toujours pas réglé, malgré la soit-disant intervention du député Lett au plus haut niveau
(3) Retrouverons nous bientôt les « joies » de la queue et du contrôle au carrefour Schuman (tiens, tiens !) au retour du travail en Allemagne, ou des courses à DM, Edeka , Rosmann ou Globus ou encore simplement en rentrant d’une visite à des amis allemands, d’un spectacle à Sarrebruck ou d’une bière dans son Biergarten préféré ?