«Je n’accepte pas que l’épouse d’un agriculteur qui a travaillé toute sa vie ait une retraite moins élevée qu’une personne qui viendrait à 60 ans en France pour profiter, sans jamais y avoir travaillé, du minimum vieillesse. Celui qui a travaillé ne peut pas avoir moins que celui qui n’a jamais travaillé.»
Nicolas Sarkozy, le 8 mars à Saint-Just- Saint Rambert
Dans cette campagne, Marine Le Pen aura souvent donné le «la» des thèmes de Nicolas Sarkozy. Le minimum vieillesse en est un exemple édifiant. En février 2011, la patronne du Front national déclarait :«Un étranger qui arrive dans notre pays légalement et qui a plus de 65 ans, s’il a gagné en dessous d’un certain montant, a le droit d’obtenir 750 euros par mois, alors qu’il y a des millions de retraités qui vivent avec 200, 300, 500 euros par mois.» A Saint-Just-Saint-Rambert (Loire), le 8 mars, Nicolas Sarkozy a fait dans le quasi-copier-coller, intox comprise : «Ce sont des sujets dont on parle dans toutes les familles de France. Je le dis là encore : je n’accepte pas que l’épouse d’un agriculteur qui a travaillé toute sa vie ait une retraite moins élevée qu’une personne qui viendrait à 60 ans en France pour profiter, sans jamais y avoir travaillé, du minimum vieillesse. Celui qui a travaillé ne peut pas avoir moins que celui qui n’a jamais travaillé.»Sur France 2, deux jours auparavant, Nicolas Sarkozy avait fait une déclaration similaire, évoquant 20000 étrangers bénéficiaires et proposant d’instaurer une condition d’antériorité de résidence de dix ans.
Quasiment rien n’est vrai dans la déclaration de Nicolas Sarkozy. Le minimum vieillesse, devenu Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) en 2006, vise à s’assurer que les personnes âgées disposent d’un minimum vital (minimum vieillesse), lequel est fixé à 742 euros mensuels actuellement (il passera à 777 euros au 1er avril 2012). Un peu moins de 600 000 personnes en France bénéficient de cette allocation. Ce qui ne veut pas dire que les bénéficiaires touchent un chèque de 742 euros chaque mois. Le dispositif consiste à compléter les revenus existants pour les faire arriver à ce montant qui correspond à ce minimum vieillesse. En moyenne, le montant de la prestation est d’environ 350 euros par bénéficiaire.
Première approximation de Nicolas Sarkozy : le nombre d’étrangers bénéficiant de la prestation est supérieur à ce qu’il cite. Le nombre de bénéficiaires évoqué sur France 2 correspond uniquement à ceux n’ayant jamais cotisé. Ils sont au total 70 000 dans ce cas, dont un tiers d’étrangers. Une proportion dont il convient de souligner qu’elle est parfaitement stable depuis 2006.
Nicolas Sarkozy est tout aussi approximatif quand il affirme qu’un étranger venant à 60 ans peut profiter de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées. La prestation s’obtient (sauf invalidité) à partir de 65 ans. Mais surtout, il ne suffit pas à un étranger d’arriver sur le territoire pour en bénéficier comme le répètent Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy : une condition d’antériorité de résidence de cinq ans était exigée depuis 2005. Laquelle, sous la pression de la droite populaire, a été étendue à dix années en décembre dernier.
Ce qui rend le propos de Nicolas Sarkozy parfaitement incongru : dénonçant une situation fausse (n’importe quel étranger peut venir et bénéficier de la prestation), il propose une condition… déjà en vigueur. Dans le staff du Président, on reconnaît d’ailleurs que cette annonce n’en est pas une…
Il y a une dernière intox dans les déclarations de Nicolas Sarkozy, qui suggère, comme le faisait déjà Marine Le Pen, qu’une veuve d’agriculteur ou un petit retraité peuvent se retrouver avec une retraite moindre que celle d’une personne étrangère n’ayant jamais travaillé et bénéficiant de l’Aspa. Une affirmation qui diffuse une petite musique - en général entendue à l’extrême droite - selon laquelle l’étranger est mieux traité que le Français dans son propre pays. Ce qui est inexact. Par définition, l’Aspa consiste à porter au plancher de ressources du minimum vieillesse les revenus de n’importe quelle personne (y compris étrangère, aux conditions d’une situation régulière et d’une présence de dix ans), qu’elle ait une petite retraite ou pas du tout. Qu’elle ait cotisé toute sa vie, quelques années, ou pas du tout. Le minimum vieillesse ne donne pas davantage aux étrangers. Il leur assure le même filet de sécurité que les Français. Lequel demeure toujours inférieur au seuil de pauvreté.
(merci Hubert)