Habituellement, le programme culturel d’une ville reprend les manifestations relevant de la « culture classique », qu’il s’agisse de musique ou de théâtre, le jazz y étant parfois intégré. Le reste, dont la variété, vient « de surcroît » et fait l’objet d’une programmation différenciée. Aussi ai-je attendu, cette année, que vienne « le reste », à savoir, pour notre ville, la culture classique. Or rien n’est arrivé. La saison culturelle 2009-2010 de Sarreguemines est donc déséquilibrée.
Elle l’est parce qu’elle ne touche que les très jeunes, ce qui est bien (spectacles de marionnettes, Pierre et le Loup), et les amateurs de variétés ; parce qu’elle ne se préoccupe pas de ceux qui ne se reconnaissent ni dans les variétés proposées – je pense en particulier aux adolescents ̶ ni dans la culture classique ; parce que, hormis la biennale romantique – dont on pourrait d’ailleurs débattre de la présence au programme, tout comme le festival platt ̶ et les Fourberies de Scapin, la musique et le théâtre classiques sont, à mes yeux, douloureusement absents, ce qui confirme une tendance entrevue depuis plusieurs années déjà. Curieusement, l’adjoint concerné affirmait, lors de la présentation, que le programme était le fruit d’une large concertation. Large peut-être, mais avec un oubli sérieux, celui des amateurs de culture classique, à moins que ceux-ci, consultés, n’aient pas été entendus ! L’on me dira sans doute que j’établis une hiérarchie culturelle : ce serait me faire un mauvais procès d’une part ; ce serait surtout confondre goût, art et culture, d’autre part. Sur ce dernier point, je dirai simplement que la variété n’est pas de mon goût, qu’elle n’entre que rarement dans la catégorie de l’art, mais qu’elle représente une part importante de la culture de notre époque et qu’à ce titre elle ne peut être rejetée. Tout au contraire doit-elle être observée avec attention. Mais les autres formes culturelles – pas seulement classiques, qui sont notre socle, ne doivent pas non plus être être marginalisées.
J’ai cru comprendre que ce qui est reproché à la culture classique, c’est qu’elle coûte cher et attire peu de spectateurs. Si tel est le cas, d’abord, ce n’est pas seulement une méconnaissance de la culture classique qui s’exprime, mais aussi celle de la culture tout court. Une culture s’acquiert, toujours, même lorsque cela ne demande pas d’effort apparent. Un apprentissage, de quelque nature qu’il soit, est toujours progressif. Et la culture classique n’est pas toujours difficile à pénétrer. Tout au contraire, quantité de ses œuvres sont d’un accès premier immédiat, ou quasi-immédiat, d’où une possibilité de progressivité d’approche. Si tel est le cas, ensuite, c’est que l’on demande à la culture d’être rentable. C’est peut-être lié à notre époque, mais c’est antinomique. Pour autant, cela ne veut pas dire, dès lors que la culture a un coût, que l’on peut se permettre n’importe quoi en la matière. Mais je prétends que l’on peut remplir des salles avec la culture classique sans grever dangereusement le budget qui est imparti à la culture : les sarregueminois, je l’ai déjà dit, ne sont pas moins cultivés que les autres, il suffit peut-être seulement de répondre à leurs attentes, et inciter. Il y a des œuvres porteuses et il y a des spectateurs potentiels pour certaines catégories d’œuvres classiques. Encore faut-il se donner la peine de les faire coïncider, c’est-à-dire de connaître et de réfléchir – promouvoir la culture est un militantisme. « La musique classique plaît et est ouverte à tout public. Il faut juste oser pousser les portes », dit Sophie Pêche, organisatrice, parmi d’autres, du festival Euroclassique. J’étends cela à toute la culture classique, qui fut également celle d’autres époques que la nôtre, époques qui n’avaient ni l’éducation, ni les moyens d’éduquer dont nous disposons.
Sarreguemines bénéficie avec Pirmasens, Sarrebruck, Metz, Strasbourg et même Nancy, d’un environnement et de moyens culturels assez exceptionnels, notamment dans le domaine de la musique. Il y a là, à n’en pas douter, des opportunités qui mériteraient d’être approfondies et il est vraiment dommage de ne pas les exploiter. D’autres le font, pourquoi pas Sarreguemines ? Est-il besoin, enfin, de souligner que la vie culturelle est un symbole fort d’une cité vivante ; que, par voie de conséquence, la dynamique culturelle participe de la dynamique de la cité et que, de ce fait, elle devrait être un des instruments à privilégier pour tenter d’enrayer la mort lente de notre ville ?