L’on n’entendait plus parler d’Hambrégie depuis quelques mois et il a fallu le départ de la sous-préfète de l’arrondissement pour que ce projet, pour le moins controversé, refasse surface. L’on peut raisonnablement se demander pour quelle raison cette bonne dame a cru opportun de réveiller les inquiétudes, ou les espoirs, quand d’ordinaire un fonctionnaire de rang évoque plutôt ce qui rassemble que ce qui fâche lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite. Mais, au lieu de conjecturer, exercice somme toute assez vain, bornons-nous à constater le fait. Et le fait est qu’elle a lancé un message.
Pourtant, les choses ont récemment évolué fort négativement en ce qui concerne le thermique au gaz. En Allemagne, les centrales de l’espèce sont mises progressivement, une à une, sous cocon, comme on dit dans le jargon. Autrement dit, elles sont arrêtées. En France, GDF-Suez a définitivement stoppé Fos-sur-mer et mis deux autres centrales sous cocon : ne fonctionne plus que Dunkerque qui approvisionne Arcelor. Il se murmure enfin, mais je reste prudent car je n’ai pu le vérifier, que deux des centrales de Direct Énergie sont elles-mêmes à l’arrêt. Le gaz est par conséquent clairement en crise, ce que les spécialistes reconnaissent sans difficulté – en voilà au moins qui ne nient pas l’évidence. Et comme cette crise est pour une bonne part liée à l’exploitation des gaz de schistes, laquelle n’est pas prêt de sa tarir car il est des États sans scrupules environnementaux et il s’en découvre chaque jour de nouveaux, il est là encore raisonnable de penser que les exploitants de ce type de centrale ne sont pas au bout de leurs peines.
Mais pour Direct Énergie ce n’est pas tout. Il semble (Le Monde du 8 novembre), que la centrale de Landivisiau va se construire. En termes d’approvisionnement d’une région en déficit énergétique (électrique), c’est plus logique que pour la Lorraine excédentaire. Or qui dit excédent dit export et qui dit export d’électricité dit déperdition onéreuse. Ce qui peut être acceptable en période d’abondance, je veux dire d’aisance économique, est plus surprenant en temps de crise, quand « un sou c’est un sou » et que les centrales à gaz perdent de l’argent.
Quel objectif ceux qui veulent à toute force cet instrument sur notre sol poursuivent-ils donc ? Pour mettre plus ou moins rapidement 40 employés au chômage technique ou au chômage tout court – si tant est qu’ils les aient embauchés ? Je n’aperçois pas d’autre explication à cette obstination que la certitude, de la part du commanditaire, que la mauvaise passe sera surmontée lorsque la centrale deviendra opérationnelle. Le calcul est simple : il n’y aura pas de décision préfectorale avant au mieux le début de l’année 2014 (peut-être même pas avant les municipales) ; partant, en tablant sur une issue positive, la production ne pourrait pas démarrer avant fin 2017-courant 2018 et, d’ici-là, le marché du gaz se sera rééquilibré, soumis qu’il est à la bonne vieille loi libérale qui a quelquefois montré son efficacité et si souvent son inefficacité. Le pari est risqué mais, n’est-ce pas, qui ne tente rien n’a rien ! Le problème c’est, précisément, que s’il n’y a rien, il faudra quand même rembourser les emprunts. Le pari pascalien, à côté, c’est de la fantaisie et, si j’étais banquier, je ne suis pas sûr que je tenterais l’aventure – quoique les banques nous aient habitués à des prises de risques autrement inconsidérées !
Deux éléments encore :
1 – Lors d’un conseil municipal de printemps, la discussion était venue par je ne sais quel détour car le maire évite habituellement soigneusement le sujet, sur Hambrégie. Éric Kamblock en avait profité pour rappeler certains de nos arguments jusqu’à ce qu’il s’attire cette réplique tonitruante et ubuesque du maire : « vous n’aviez qu’à le dire avant ! ». Je crois que les murs de la salle en tremblent encore de stupéfaction, à moins qu’ils ne se tordent de rire.
2 – Dans le cadre de la préparation du plan local d’urbanisme, la municipalité s’est fendue d’un projet d’aménagement et de développement durable (PADD) dont l’établissement a été confié à un cabinet indépendant que, tout travail méritant salaire, il a fallu rémunérer – cher. Notons au passage que, quand on connaît l’engagement de la majorité pour tout ce qui est environnemental, un tel projet laisse rêveur, mais bref. Ce PADD définit parmi les enjeux la nécessité de « préserver et valoriser le patrimoine environnemental et paysager qui participe à l’identité et à la singularité de la ville » ; parmi les objectifs, en substance, de profiter des atouts du site pour développer le tourisme. Lorsque l’on consulte le PADD, l’on s’aperçoit très vite que la plupart des préoccupations et recommandations qui y sont exprimées ont d’ores et déjà été envoyées aux oubliettes. Qu’en est-il pour Hambrégie dans ce contexte ? Il va de soi que l’existence ou la vue d’un château fort sont susceptibles de faire venir le touriste ou d’inciter à ce qu’il s’arrête. Il va tout autant de soi que ce château fort – moderne ̶ qu’est une centrale thermique est de nature à le faire fuir. Il suffit d’observer la nature alentour.
Au total, il est possible que quelques optimistes aient pu imaginer que le projet de centrale était mort-né. Quelques réalistes, quant à eux, pensaient au contraire que les promoteurs de cette idée curieuse avaient intérêt à ce que l’on en parlât le moins possible tout en continuant de manœuvrer discrètement. La sortie, dès lors intempestive, de la représentante de l’État a dû, de ce point de vue, les contrarier. Quoi qu’il en soit, l’on sait désormais qu’il ne faut pas baisser la garde et que la bête ne fait que semblant de dormir. Hambrégie de retour ? Elle n’était jamais partie. Sain rappel.