Le 3 septembre 2006, à Marseille, celui qui s'apprêtait à être le
candidat de l'UMP à la présidentielle déclarait : « Dans la société de la connaissance, l'inégalité d'accès au savoir est la pire des inégalités ».
Aujourd'hui, le voilà candidat sortant.
A Montpellier, le 28 février, il promettait une « révolution éducative
». La manœuvre a fait un flop. A cause du bilan – son mandat restera celui de la plus grande casse éducative. A cause des mesures nouvelles – qui ne le sont pas tellement et qui ne répondent pas
à l'urgence vécue par les professeurs, les élèves, les parents.
1) Le bilan : les palmes académiques de la mauvaise foi
Les suppressions de postes ? M. Sarkozy les justifie en affirmant que de 1990 à 2007, le nombre d’élèves a diminué de 610 000
quand le nombre de professeurs augmentait de 85 000.
La réalité de l'école française aujourd'hui, c'est que :
- des élèves sont sortis des chiffres du système scolaire, comme des chômeurs rayés des
statistiques : en dix ans, le taux de scolarisation des enfants de deux ans s'est effondré (de 35% en 2002 à 11% à la rentrée 2011), « retirant » 150 000 élèves des statistiques du Ministère. Le
président sortant a beau jeu de constater cette baisse.
- avec 5 enseignants pour 100 élèves, la France présente le plus faible taux
d’encadrement en primaire des 34 pays de l’OCDE.1
- sur le terrain, chacun constate qu'il n'y a plus assez de professeurs ni de personnels
dans nos écoles. Ce sont autant de remplacements non assurés, d'infirmières et de médecins scolaires qui ne sont pas auprès des élèves, de RASED qui manquent aux élèves plus fragiles. La preuve
de l'échec du président Sarkozy : même le candidat Nicolas veut plus de présence d'adultes dans les établissements !
- en cas de réélection de Sarkozy, la situation continuerait de s'aggraver : après avoir
supprimé 77 000 postes en cinq ans, il promet de supprimer encore 40 000 postes d'ici 2017.
Les résultats ? M. Sarkozy se félicite du recul de l'échec scolaire et l’attribue à son action.
Toutes les évaluations sérieuses démontrent le contraire. Les résultats des évaluations
de CE1, même « réajustés » par le Ministère de l'Education, prouvent hélas que le nombre d’élèves en grande difficulté ne diminue pas.
Les enquêtes internationales (PISA) montrent une dégradation des résultats des élèves
français à la sortie du système scolaire. Entre 2003 et 2009, ils sont passés de la 12e à la 18e place en lecture et de la 13e à la 16e place en mathématiques.
L’accompagnement éducatif ? M. Sarkozy le vante « pour ceux [qu'il avait] appelés les orphelins de 16h afin qu’ils ne soient
plus livrés à eux-mêmes quand la classe se termine tôt »
Il a lui même créé les orphelins du mercredi/samedi matin avec la généralisation de la
semaine de 4 jours ! Et, en raison de la diminution des crédits, l’accompagnement éducatif est en recul partout. Dans la loi de finances 2012 votée par la majorité de droite à l'Assemblée
nationale, les subventions versées aux associations au titre de l'accompagnement éducatif (aide scolaire, langues, pratique sportives et culturelles) sont en baisse de 32 %.
Les internats d’excellence et les établissements de réinsertion scolaire
? C'est la vitrine d'une politique en berne. Pour M. Sarkozy, « [leur]
déploiement sur une grande échelle constitue une véritable révolution dans notre système scolaire en offrant aux enfants des milieux modestes qui veulent étudier les conditions matérielles d’un
accompagnement qu’ils ne trouvent pas chez eux »
C’est l’oasis qui cache le désert éducatif dans les territoires délaissés !
Les internats d'excellence ne représentent que 0,04% de l'ensemble des établissements
scolaires français (26 établissements sur 64 000) et n'accueillent que 0,02% des élèves (2 200, et non 10 000 comme la droite le prétend, en ajoutant des places dispersées dans des internats
ordinaires labellisés « internats d’excellence »).
L'inspection Générale de l'Education Nationale a d'ailleurs produit une évaluation à ce
sujet dont le Ministre Châtel bloque étonnamment la parution...
Leur coût est considérable, et donc non généralisable (entre 3 500 et 12 000€ par
élève.3
Même chose à propos des Etablissements de Réinsertion Scolaire (ERS) qui ne prennent en
charge qu'une petite centaine d'élèves.
L’aide sociale ? M. Sarkozy prétend aider les familles en difficulté
: « Il y a tous ceux qui parlent de la pauvreté et il y a ceux – nous – qui mettent
en œuvre des moyens de lutter contre les ravages de la pauvreté »
Les crédits d'action sociale inscrits au programme 130 dans la loi de finances 2012 sont
en nette diminution par rapport à 2011.
Le montant des bourses baisse de 570,6 millions d'euros en LFI 2011 à 531,8 millions
d'euros dans le présent PLF, soit une chute de 6,8 %, alors que la crise les rend plus que jamais indispensables pour les plus défavorisés.
Le Gouvernement Sarkozy-Fillon supprime les allocations familiales aux parents d’élèves
absentéistes comme si c’était l’argent qui poussait les familles à faire réussir leurs enfants.
2) Les promesses : ni « l’école pour chacun » ni « l’école pour tous », mais l’école pour
quelques-uns
A court d'idées, candidat sortant pratique le recyclage-enfumage avec ses méthodes
favorites : diviser les Français et leur promettre de « gagner plus en travaillant plus ».
M. Sarkozy s'est en permanence efforcé d'opposer les familles aux enseignants. Il
propose aussi d’augmenter de 25% les enseignants qui accepteraient d’effectuer 26 heures dans leur établissement.
En 2007, il avait déjà promis « moins d’enseignants, mieux payés ». Depuis, on a surtout vu « moins d’enseignants avec... moins d'enseignants ».
En matière salariale, la France est le seul pays avec la Grèce où depuis dix ans, le
salaire statutaire des professeurs a diminué en prix constants.4
Seuls les débutants ont vu leur rémunération augmenter – à hauteur de 5% (et non de 18%
comme la droite l'affirme souvent).
En matière de temps de travail, le candidat sortant feint d'ignorer les chiffres de son
propre ministère qui disent que les enseignants du second degré travaillent déjà en moyenne 39h54 hebdomadaires.5
En réalité ce que propose M. Sarkozy, c’est une augmentation salariale de 25% pour une
augmentation du temps de travail de 44% : travailler plus pour gagner moins ! Comme l'a dit F. Hollande, « un marché de dupes ».
Un projet de concurrence et de caporalisme pour l'école
: M. Sarkozy promet d’accroître « l’autonomie » des établissements.
Beau programme : « l'autonomie » des équipes pédagogiques, c'est une idée de gauche. Mais
ce que le candidat sortant appelle autonomie, ce n'est pas cela : c'est donner plus de pouvoirs aux seuls chefs d’établissement et organiser la mise en concurrence des établissements publics, des
professeurs, et de l'offre de formation. Le projet du Gouvernement de faire recruter et évaluer les enseignants par les chefs d’établissements – qui ne le demandent pas et n’ont pas les
compétences pour cela – participe de la même conception à la fois libérale et caporaliste : le sarkozysme veut transformer nos écoles, nos collèges ou nos lycées en petites entreprises.
En revanche, silence total sur les vraies questions
Rien sur le primaire ou sur la maternelle alors que le taux de scolarisation des enfants de deux ans s'est effondré, passant les 10 dernières
années de 35% à 11%6, et que l'on sait que c'est dans les premières années que se joue l'essentiel des apprentissages
fondamentaux et donc la lutte contre l'échec scolaire.
Rien sur les rythmes scolaires alors que la généralisation autoritaire de la semaine de 4 jours a encore diminué le nombre de jours
passés par les élèves français à l’école. 144 jours seulement d'écoles, cela signifie 221 jours sans école ! C'est le volume annuel le plus faible d’Europe, où la moyenne est de
180.7 Ces rythmes absurdes génèrent stress et fatigue, et toutes les études montrent qu'ils nuisent aux
apprentissages des élèves et favorisent l'échec scolaire.
Rien sur les filières professionnelles qu’il prétend revaloriser, alors qu'il ne propose en réalité à leurs élèves que de rester le moins
longtemps possible à l’école – en suggérant un palier d’orientation dès la fin de la 5e – et le moins de temps possible à l’école – en préconisant l’alternance obligatoire. Comment
réindustrialiser le pays sans revalorisation de l'enseignement professionnel et de la voie technologique ?
Rien sur la formation des enseignants qu’il a détruite8 et qui fait qu'aujourd'hui, 70 % des nouveaux enseignants se retrouvent devant leurs classes, à temps
complet, sans avoir reçu de formation pratique ni avoir rencontré un seul élève.
F. Hollande a fait de l'avenir de la jeunesse et de l'éducation le socle
de son projet pour 2012. Avec des priorités claires et une vision d'ensemble pour l'école de la République, afin de concilier excellence et égalité des chances.
1 Tableau de bord de l’emploi Public, Centre d’Analyse Stratégique, février 2011
www.emploi.gouv.fr/_pdf/synth_cas_dec2010.pdf.
2 www.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf
3 Rapport de Patrick Rayou, chercheur en sciences de l’éducation, université Paris
VIII
4 Rapport de la Commission européenne « éléments clés sur l'éducation en Europe 2012
»
5 Rapport RERS 2011 du Ministère de l'éducation nationale
6http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07116
7 Rapport d’orientation sur les rythmes scolaires, juillet 2011
http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/67/1/Rythmes_scolaires_rapport-d-orientation_184671.pdf
8Rapport annuel de la Cour des comptes publié en février 2012
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/Formation_initiale_et_recrutement_enseignants.pdf