Je ne vais pas pleurer sur la débâcle que vient de subir la droite sarkozyste. Mais je ne m’en réjouis pas non plus car elle a mené notre pays au bord du gouffre – je ne suis pas sûr qu’elle veuille l’admettre. Tout a commencé au moment des dernières présidentielles, qui furent une vaste tromperie, pour ne pas dire fumisterie, dans laquelle certains médias, donc certains journalistes, jouèrent un rôle primordial.
J’ai l’habitude de dire, et peut-être l’ai-je déjà fait sur ce site, que la réflexion est ce que l’homme économise le plus. L’on aurait pu se rendre compte en effet, bien avant 2007, que Nicolas Sarkozy n’avait qu’un objectif, qu’une ambition, totalement personnelle, c’est-à-dire hors toute recherche du bien commun : son élection. Que, pour cela, nous en avions maints exemples, il était prêt à tout et à son contraire ; qu’il n’était qu’une image, une illusion, fabriquée et auto-fabriquée ; qu’il n’avait aucune politique, donc aucune cohérence, sinon celle qui pouvait, et devait, lui permettre de parvenir à ses fins. Obnubilé par son enchaînement, je ne suis même pas sûr qu’il se rendait compte – je lui accorderai ce doute ̶ de la somme de mépris qu’il accumulait ainsi à l’égard de ses concitoyens, avec la complicité des médias concernés – qui, eux, semblaient plus lucides : que l’on se souvienne de la « disponibilité des cerveaux » de certain PdG ; ni a fortiori qu’il n’avait que mépris pour les Français. Certes, il les instrumentalisait mais je ne suis pas absolument certain qu’à ses yeux cela pouvait aller jusqu’à revêtir une forme outrée de dédain, d’abord parce que sa réflexion ne s’étend pas aussi loin – « moi j’agis » ; ensuite parce que ce genre de concept n’entre pas dans ses catégories : si c’était le cas, il s’apercevrait rapidement qu’en instrumentalisant les autres, il s’instrumentalise lui-même, et qu’il est instrumentalisé. Mais, là, je crois que j’utilise une rhétorique, et entre dans un monde, qu’une certaine droite a du mal à appréhender : de fait, à l’exemple de son hyper-leader, elle est beaucoup plus pragmatique que moi. Dommage : cela lui permettrait d’ouvrir sa compréhension à des domaines qui, pour le moment, lui semblent complètement étrangers.
Quoi qu’il en soit, il fut élu et, sur sa lancée, il crut à son infaillibilité – pourtant n’est pas pape qui veut ̶ et, bien qu’adressés dès le début, et parce qu’ils le furent hors sérail, il dédaigna les avertissements. Il continua donc sur le même ton, « sûr de lui et dominateur ». Simultanément, aveuglée par ses pseudo-réussites initiales, par une vague que rien ne paraissait en mesure d’endiguer, il emmena avec – pardon derrière ̶ lui une bonne partie de la droite hypnotisée, dont certains membres l’avaient évhémérisé – pardon déifié. Pourtant, ses insuccès de plus en plus flagrants ; ses écarts, ses mensonges, ses contradictions et incohérences, de plus en plus évidents, finirent, malgré sa superbe et certains médias, par avoir raison de son image, donc du mirage. Peut-être aussi que sa garde rapprochée était plus occupée à le caresser dans le sens du poil qu’à le mettre en garde ; à moins qu’elle ne fût incapable, ou terrorisée par le maître. Et il emporta si loin ses troupes qu’à l’issue du premier tour des Régionales elles firent preuve d’une morgue qui fut particulièrement choquante – que l’on se souvienne de l’attitude du couple Borloo-Copé, en particulier à l’encontre d’Annick Duflot, sur France 2 le 14 au soir ̶ et sans doute choqua ; bien qu’averties par un jeune Français qui « en avait assez d’être pris pour un imbécile », elles embouchèrent, cela dura toute la semaine, les trompettes de l’écologie quand le maître venait de dire que « toutes ces questions d’environnement, ça commence à bien faire », et de l’insécurité qui est un des échecs patents de la coterie – et au premier chef du maître. Je dois humblement avouer qu’ici je me perds en conjectures : c’était panique à bord, à n’en pas douter, et l’on sait que cette pulsion n’est guère propice à la réflexion ; mais, en dehors de leur logique sarkozyenne, c’est-à-dire de leur déterminisme, peut-être qu’elles étaient, ou sont, les troupes, incapables dé réfléchir ; que, vivant une ère TF1, ce qui est un autre déterminisme, elles ne s’étaient pas rendu compte, que les Français n’étaient pas aussi « imbéciles » qu’elles se l’imaginaient ; que peut-être, enfin, l’on assiste au retour en force de la droite la plus bête du monde …
Cette fois, il perdit l’élection, et plutôt sévèrement. Mais l’histoire, malheureusement, n’est pas achevée car c’est maintenant qu’il y a tout lieu d’être inquiet. Je ne parle évidemment pas de ce qui va se passer à l’intérieur de la droite en générale, du sarkozysme en particulier. De cela peu me chaut. Mais la question qui me préoccupe, et qui, puisqu’elle me préoccupe, en préoccupe sans doute beaucoup d’autres, est la suivante : que vont-ils faire ? Je me suis déjà exprimé sur ce point mais il me semble utile d’insister : que vont-ils faire, sachant qu’ils ne sont plus crédibles ; qu’ils n’ont vraisemblablement pas plus d’idées qu’avant et que le peu d’idées qu’ils avaient ont fait long feu ; qu’ils ont déconstruit par dogmatisme imbécile des pans entiers de notre société en aggravant la misère et l’ écart entre les riches et les pauvres ; et surtout, car de cela dépend tout les reste, ils ont vidé les caisses de l’État et n’ont plus un fifrelin devant eux, donc pas la moindre marge de manœuvre.